Random Access Memories

« Ceci est l’histoire d’un homme marqué par une image d’enfance » , la Jetée, Chris Marker.

A Vierzon assisté par les élèves de l’option cinéma du lycée Edouard Vailland, j’ai filmé une dizaine de personnes à qui j’ai demandé de se remémorer leur passé. Quels souvenirs gardez vous de votre enfance ? Comment voulez-vous nous les raconter ?

Random Access Memories est une installation multimédia. Sur des ordinateurs, les raconteurs filmés en plans serrés racontent leur histoire. Au travers du récit de leurs mémoires d’enfances, ces narrateurs pratiquent une plongée mentale vers leur propre passé. Un voyage interne peuplé de souvenirs éparses qui s’organisent à mesure de la descente… dans le temps. Sous les ordinateurs, des poissons rouges filmés et “trackés” par des caméras WebCams activent, et réorganisent ces différents récits pour une autre histoire. Une histoire improbable sélectionnée par le poisson-pilote : le véritable monteur du film.

Random Access Memories connecte trois logiques; celle de l’homme, celle de l’animal et celle d’un ordinateur-interface. On voit d’abord un ensemble de câbles et d’ordinateurs accrochés en l’air dans une ambiance bleue-vidéo liquide, le tout très bavard. Puis devant chaque module, on écoute les individus raconter ou bien se perdre dans leurs souvenirs ou encore « bégailler » ou « beuguer » devrait on dire ? Car en observant attentivement les modules en activité on comprend que l’effort filmé des humains pour reconstruire leurs souvenirs est perturbé par le mouvement aléatoire des poissons qui activent au gré de leurs mouvements différentes vidéos. Ici, le bocal est devenu l’espace de la mémoire dans lequel les souvenirs ont été inscrits (spatialisés). En se déplaçant dans celui-ci, c’est le poisson qui pilote la mémoire de l’humain et non l’humain qui pilote sa propre mémoire. A la manière d’un jeu vidéo sans fin, les poisson naviguent, sans le savoir ?, dans un espace mémoriel humain et reconfigurent les histoires. Mais aussi, malgré les apparences, on se rappellera que l’ordinateur – devenu prothèse de nos mémoires – fonctionne lui aussi de manière chaotique. Sa mémoire vive, la RAM, celle qui fonctionne en mode « éveillé » et qui lui permet de travailler, doit pouvoir accéder facilement à une information placée aléatoirement dans son espace mémoriel, sans préjuger au préalable de la cohérence globale d’un groupe d’informations. L’hyper-fragmentation qui découpe la forme et le placement au hasard des différents éléments dans son espace sont à la base de son étrange fonctionnement. Et pourtant il devient – à la suite des Cathédrales et des livres – la plus grande prothèse mémorielle que l’humanité n’a jamais connue.

RAM

Générique
Conception : Thierry Guibert
Programmation informatique : Benoît Courribet
Construction scénographique : Dominique Leroy
Production : Bandits-Mages
Partenaires : Le lycée Edouard Vaillant de Vierzon, Aux Arts Lycéens – Région Centre, la ville de Bourges, le Conseil Régional du Centre, le Conseil Général du Cher, la DRAC Centre, l’ESAC (Ecole Supérieure des Arts et de la Communication de la ville de Pau)
Technique de réalisation : Prises de vue et prises de sons numériques, montage vidéo sous Final Cut Pro, programmation multimédia dans MAX/MSP, construction scénographique; médium et câbles métalliques.